L’interprétation de la malnutrition dans les Eglises de réveil à Kinshasa Cas des enfants Sorciers

Référence bibliographique:

MUBANGA LABENG Delphin, «L’interprétation de la malnutrition dans les Eglises de réveil à Kinshasa Cas des enfants Sorciers», Le Carrefour Congolais, 1,  2019, p.91-104

 

Introduction

Maitriser la maladie est un des objectifs de la politique sanitaire d’un pays. Mais malheureusement, cela ne semble pas toujours être le cas en Afrique sub-saharienne. Des observations faites les dernières décennies montrent qu’il y a dans des différents pays d’Afrique, comme c’est le cas de la République Démocratique du Congo, la recrudescence et même réapparition certaines maladies qui avaient été éradiquées. La plupart des pays africains ont aujourd’hui des populations dont l’état de santé n’est pas de nature à soutenir un développement. Les populations sont affaiblies par la sous- et (ou) la malnutrition, les maladies infectieuses chroniques. On voit alors surgir le développement des logiques de subsistance à court terme expriment l’état de dénuement (Jeanne-Marie Amat- Rose 2003).

La malnutrition et ses conséquences devrait constituer une des préoccupations capitales des acteurs tant aux niveaux local, étatique qu’international. Afin d’aider ces derniers à atteindre les objectifs qu’ils se sont fixés notamment celui de réduire la malnutrition et ses conséquences, il nous semble nécessaire d’envisager tous les aspects et domaines concernés.

Ainsi, les analyses que nous aimerions faire dans ce document ne sont pas celles d’un spécialiste en médecine mais plutôt d’un anthropologue/sociologue qui observe comment les hommes, dans leurs interactions, recourent aux logiques propres pour faire face aux problèmes qui se posent dans leur environnement. Le plus souvent, dans cet environnement, une importance relativement grande est accordée aux facteurs démographiques ou biomédicaux quant il faut envisager des actions pour réduire, voire pour éradiquer des problèmes sanitaires comme celui de la malnutrition.

Sans rejeter des autres perspectives, nous nous inscrivons dans celle qui s’intéresse aux croyances et pratiques religieuses qui se développent autour de la maladie et de la santé en général et particulièrement celles qui concernent la malnutrition et la croissance des enfants. Comme l’écrit Henri Dupin, « Pour traiter un malade et plus encore pour entreprendre des actions préventives, il faut patiemment, apprendre à connaitre la conception que les populations se font des maladies (H. Dupin, 1965 :25). En RDC, l’importance des pratiques magico-religieuses n’est plus à démontrer. Au sein de la population, à côté des soins de santé primaire délivrés par les structures sanitaires reconnues comme médecine moderne, s’ajoute le recours au pasteur et à son église.

Ce sont les conceptions autour de la malnutrition et la maladie que véhiculent les pasteurs et autres encadreurs des fidèles dans leurs églises que nous essayons d’analyser dans cet article. Nous aimerions comprendre comment la question de la malnutrition se trouve inversée et comment ils s’emploient à la résoudre. Nous analyserons les caractéristiques des enfants dits sorciers que présentent les leaders religieux telles que reprises par Save the children dans son rapport intitulé « l’Invention de l’enfant sorcier en RDC» (2003- 2005). Il s’agit d’interroger les pratiques des certaines églises dites de réveil à propos des enfants malnutris. Ceci dans le but d’amener les leaders à s’impliquer dans l’éducation sanitaire au lieu de s’arrêter aux prières de délivrance. Une bonne délivrance doit être aussi mentale que spirituelle.